Eh bien que c'est triste

La taverne du village disposait d'une salle commune de grande taille : ils avaient apparemment ici une volonté certaine d'expansion. Par contre, la décoration criarde était un exemple typique de mauvais goût, de celui qui veut trop en faire avec aucun moyen ! Proche de l'entrée, il y avait une petite alcôve, muni encore et toujours de tentures en excès : elle se voulait accueillante et on y offrait donc un sommier haut mais peu large, recouvert d'un tissu épais et surmonté d'une quantité indénombrable de coussins tantôt longs, tantôt duveteux ou encore capitonnés (pour la « décoration » certainement). Bon, l'intérêt de Krim' pour ce recoin était tout autre : pragmatique, elle avait d'abord remarqué qu'il était dans la partie la plus sombre de la salle et très proche de la porte principale d'un coté et d'une porte de service de l'autre, avec sur le même pan de mur une large fenêtre non barrée donnant sur la ruelle discrète qu'elle avait justement empruntée pour arriver sans trop attirer l'attention.

Comme à son habitude, l'elfe notait tout mentalement. C'est ainsi qu'elle effectuait le plus souvent ses repérages : aux heures de faibles affluences, mais pas forcément la nuit où tout paraît souvent plus étrange que de raison. Car en effet, pour une roule-ta-bosse dans son genre, bien connaître le voisinage est une prérogative au dur métier de saltimbanque... Surtout lorsque ce voisinage vient d'être arrogé par l'un des ordres les plus populaires et en vue du moment : les échoppes et les auberges de la cité vont rapidement devenir « les enseignes à la mode qu'il faut absolument visiter ». C'est une aubaine pour le commerce de la région et toute les activités lucratives qu'il traîne généralement dans son sillon... Et l'elfe s'y connaissait manifestement en commerce lucratif et autres traçage de sillon.

Elle prit donc ostensiblement ses aises dans le rembourrage et, avec la plus grande bonhomie dont elle était capable, fit un chaleureux signe de la main pour qu'on vienne prendre sa commande : boire faisait partie du rituel... Parler avec quelques habitués aussi, malheureusement : il fallait bien donner le change pour parfaire l'illusion... Peut-être ira-t-elle parler à ce nain au teint buriné et aux vêtements poussiéreux, si personne ne vient à elle d'ici là... Il a l'air aussi benêt qu'inoffensif : elle se dit qu'elle pourrait bien apprendre 2 ou 3 trucs intéressants, avant de devoir prétexter un quelconque rendez-vous urgent et quitter ces lieux pour continuer sa visite.

Depuis qu'ils avaient acquis le village, les visiteurs se bousculaient au portillon. Cela laissait à Theodule des sentiments mitigés. Parce que d'un côté plus de monde, plus de sous, mais de l'autre y avait des types vraiment bizarres dans le lot. Encore que le nain qui venait d'entrer, bon c'est un nain, ça va. Les nains c'est comme la bière, même quand c'est pas terrible, ça reste assez bon.

Puis son regard se posa sur l'elfe à l'allure louche. Il tressaillit en reconnaissant KrimOmbra. Généralement il avait du mal à reconnaître un elfe d'un autre (faut dire qu'il essayait pas franchement non plus), mais depuis son héroïque tentative de réhabilitation dans l'échoppe d'Earok, les traits de la méchante étaient gravées dans sa mémoire.

Quel dommage! Dire que tout son attirail et ses plans pour forcer la chef de l'Union Obscure à changer de carrière se trouvaient dans un coffre au fond de son atelier! Il ne disposait pas du plus petit coussin péteur. Il envisagea un instant de verser un pot de sucre dans sa bière, mais il se dit que les autres allaient encore gueuler s'il faisait du barouf à la taverne avec les invités. Et puis polluer la bière, rien que d'y penser, il en avait mal au coeur.

Il préféra se contenter d'observer la voleuse depuis derrière le comptoir, avec un oeil d'aigle et une discrétion de chat. Ce qui se révéla plus facile qu'on ne l'aurait cru, le nain faisant la taille dudit comptoir.

Alors que Théodule passe à nouveau un œil par-dessus le comptoir, entre 2 lampées de bière sous le comptoir, il se rend compte que RomulF est revenu et se trouve accoudé juste de l'autre coté :

- Mes Salutations, Maitre Théodule. J'ai passé la nuit et une bonne partie de la journée à arpenter la région. Ma foi, vous avez fort bien choisi l'implantation de votre village, et votre taverne est elle-même fort bien située.
- ... ? ...
- Je vais maintenant poursuivre mon chemin, vaquer à quelques affaires un peu plus au sud ouest. L'immobilisme me sied mal...Si j'ai la chance de croiser certains de vos compagnons, je ne manquerais pas de souligner combien j'ai été sensible aux efforts que vous déployez pour satisfaire toute clientèle, à tous niveaux. Et à ce propos, j'avais compris que vous disposiez d'autres inestimables talents que votre affabilité : aussi, dans l’éventualité ou vous pourriez proposer de petits boucliers de bonne facture, je serais ravi de compter parmi vos clients.

RomulF se tourne légèrement sur sa droite, puis sur sa gauche, discrètement, afin de vérifier que ses sens en éveil ne le trompaient pas. Car tout en discutant, il était très attentif aux 2 personnes qu'il n'avait pas vues la veille, et qui visiblement n'étaient pas de la région. Un nain, d'allure plutôt jovial, dont les vêtements tranchaient avec ceux de la grande majorité des habitants de l'île, et une demoiselle elfe,qui disparaissait presque dans le recoin le plus sombre de la grande salle. On distinguait cependant ses yeux brillants qui fouillaient littéralement la salle. Après tout, pensait RomulF, s'il était capable de bouger très vite et sans bruit, d'autres pouvaient tout à fait en être capable - d'autres elfes, du moins. L'idée dérangeait RomulF, d'autant plus que cette elfe-ci lui inspirait un sentiment étrange.

RomulF se baisse vers Théodule et dans un souffle, il lui dit :
- Et n'oubliez pas notre conversation d'hier. Un loup n'a pas forcément une épaisse fourrure, ni un serpent des écailles luisantes.

Et tout en prenant la direction de la sortie, il lance bien plus fort :
- Et puisque je n'ai pas eu l'immense plaisir de le saluer en personne, lorsque le noble Lotharim honorera ces lieux de sa présence, je vous serais gré de lui transmettre mes plus sincères Salutations. Que la Clairvoyance guide les Légendes...

RomulF fait un étrange pas de danse devant la porte, tourne 2 fois sur lui-même, s'incline et disparait.

Le soleil pointe haut dans le ciel et ses rayons lumineux fusent par les fenêtres et envahissent la pièce centrale de la taverne.

Entrant par une salle dérobée Rinoks s'approche du comptoir d'un pas assuré et observe les individus présents: Un nain richement vêtu avec lequel il a déjà conversé, commerçant aux conseils avisés et aux grandes connaissances.
Les habitués de la taverne à leurs places habituelles et dans le coin le plus sombre et discret de l'établissement, une silhouette qu'il pense avoir reconnu.

Le nain que l'on appel Tarlnaïk, plongé dans ses notes de voyage aperçoit Rinoks, il a alors le loisir d'observer cet homme avec qui il n'a pu qu'échanger des courriers: Il est grand et altier, plutôt mince et sec pour un guerrier, il porte des vêtements simples en cuir de daim et une cape tressée de feuilles de chêne, son visage est dur et robuste comme ceux des hommes mais plutôt beau et gracieux comme ceux des elfes, ses yeux...sont gris et froids comme l'acier. Le prince phénix plonge son regard dans le sien en allant à sa rencontre et Tarlnaïk ressent un frisson lui parcourir l'échine.

- Salutations ami nain! Quelle joie de te rencontrer enfin et en de telles circonstances, j'espère que tu as fait bon voyage et que les lieux te plaisent?

Rinoks, mon bRave..!

Mêlant le geste à la parole, Tarlnaïk se dresse de toute sa hauteur et ouvre grand les bras en signe de franche camaraderie (l'envergure du geste en moins, rapport à la faible taille des membres du marchant)... Se ravisant aussi vite qu'il ne s'était levé :

Ou peut-êtRe j'outRepasse les codes ? chuchote-t-il tout bas, à l'homme qui finissait de s'approcher sans se départir de son sourire...

Rinoks posa 2 mains délicates sur ses épaules et, d'une poigne ferme, il secoua légèrement le nain, avant de le repousser en arrière pour lui présenter son avant-bras, paume vers le haut... Tarlnaïk mis un temps à comprendre, mais fini effectivement par poser son propre avant-bras dessus, pour former le salut guerrier de rigueur. Chacun à leur manière, il venait d'officialiser in situ la cordialité de leur relation épistolaire... Ils s'observèrent encore un instant, puis Tarl' pris la parole.

AloRs nous-y voici : Ald MoRa... Et tout ceci n'est bien que la paRtie visible de la montagne ! En dedans, telles des tunnels, des mines et des caveRnes, une foultitude d'Homme valeuReux t'ont Rejoint, n'est-ce pas ? Où est-il, le novice d’antan.?! RegaRde-toi, paRé de tes plus beaux atouRs : Rhaaa, comme tu as fieR alluRe !

Manifestement, la familiarité des lettres du nain n'avait d'égal que son naturel enjoué... Après tout, comment pouvait-il en être autrement ?

Dans la vie, l'important, c'est toujours d'avoir un coup d'avance, se dit Jandar en se glissant l'air de rien dans la grande taverne de l'Ordre des Légendes.

Profitant de ce qu'un nain très richement vêtu clabaudait aux oreilles de l'assistance, attirant les regards, le jeune voleur progressa sans attirer plus d'attention. Il faut dire qu'avec sa tenue de cuir vieilli, son gilet de soie écarlate bien fatiguée, et son épée courte - soigneusement entretenue, elle -, le digne membre de l'Union ne paraissait guère effrayant.

Il se glissa dans l'ombre d'une fenêtre, et resta là, silencieux, observant, ses yeux surveillant attentivement les alentours - et se livrant à une prompte évaluation des richesses attenantes - attendant de voir ce qui allait se passer. Sa chef, la redoutable Krim, était également présente...

Un jeune Dorane ouvre timidement la porte/

C'est bien ici la taverne des Légendes?

Il s'avance, s'appuyant sur son bâton de combat.

Je me présente, Venog. Je fais partie de la communauté d'Imladris.

Salutations Venog!

Je t'ai ouvert les portes de ll'ambassade de ta communauté, loin des yeux des quelques vilains qui parfois aiment traîner dans notre taverne. Donc passe la porte et met toi à ton aise!